La famine s’installe au Niger
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La famine s’installe au Niger
Société - Afrique de l’Ouest - Niger - Famine - Sécheresse
La famine s’installe au Niger
Les appels du Programme alimentaire mondial n’ont pas été entendus
L’appel aux dons lancé en mai dernier par le Programme alimentaire mondial, pour prévenir la famine au Niger, n’a pas été entendu par les pays donateurs. Plus de deux mois plus tard, l’organisation onusienne compte les premiers morts et assure que la catastrophe humanitaire est désormais inévitable. En deux mois, les besoins financiers des seules agences de l’Onu sont passés de 16 à 30 millions de dollars.
jeudi 21 juillet 2005, par Saïd Aït-Hatrit
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« Au Niger, les gens pouvaient voir avant la fin de la saison passée (octobre 2004) que le pays courait un risque alimentaire. La sécheresse a empêché les récoltes d’arriver à maturation, et quand la pluie est tombée, les criquets pèlerins en ont profité pour se reproduire et dévorer les semences », explique Boureyma Dodo, secrétaire exécutif d’Arene (Association pour la redynamisation de l’élevage au Niger). « Nous avons alerté nos partenaires, constitués de l’administration, d’Organisations non gouvernementales (ONG) comme Oxfam, Novib (Oxfam Pays-Bas), des Coopérations suisses, françaises... mais au départ, ils ont hésité. Ils ont attendu de voir, demandé des explications, à ce que nous décrivions les situations... Ils attendaient une information plus officielle. »
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a, de son côté, commencé à sensibiliser ses partenaires dès novembre 2004, selon le responsable de l’organisation de l’ONU au Niger, Giancarlo Cirri. Le premier plan d’urgence est approuvé en février, des communiqués de presse sont lancés dans la foulée, ainsi qu’un appel aux dons de 16 millions de dollars (le 19 mai) pour couvrir les besoins de toutes les agences onusiennes. Trop tard. Car à leur tour, la plupart des pays donateurs ont attendu de voir. Aujourd’hui, « on enregistre une moyenne de trois décès par jour dans notre centre de santé », s’indigne auprès du Figaro le docteur français Vanessa Piccolo, un des six docteurs de Médecins sans frontières (MSF) installés à Maradi, à 600 km à l’Est de Niamey.
Du plan préventif au plan de survie
Le PAM est en discussion pour un total de 10 millions de dollars alors que les besoins sont désormais de 30 millions. « Et ça ne fait que commencer », selon Giancarlo Cirri. Désormais, « les besoins financiers ont explosé parce qu’il s’agit de sauver des vies », poursuit le responsable du PAM au Niger. « Le comble, c’est que nous avions élaboré une stratégie préventive suffisamment en amont, mais nous n’avons pas pu la mettre en œuvre. »
La stratégie aurait visé à constituer des banques de céréales, sortes de greniers villageois, et de fournir des céréales contre du travail aux agriculteurs migrant pendant la soudure (période sans activité agropastorale entre la fin de la saison et le début de la nouvelle, de janvier à mai) à la recherche d’emplois. « Nous le faisons depuis trente ans, mais nous aurions souhaité le faire à une plus grande échelle pour éviter la famine », explique Giancarlo Cirri. Le coût de l’opération avait été évalué en mai à quatre millions de dollars, pour aider 460 000 personnes (dans le secteur du PAM). Le prix du plan de survie est aujourd’hui de 16 millions, pour sauver la vie de 1,2 millions de Nigériens.
« Tout le monde s’y est résigné »
Au total, « quelque 2,5 millions de personnes, dont 800 000 enfants, vivant dans 3 000 villages, sont menacés. La malnutrition infantile se répand alors que le nombre d’enfants pris en charge par les centres de nutrition ne fait que s’accroître », fait savoir l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) dans un communiqué publié mardi. La FAO réclame de toute urgence « des approvisionnements alimentaires ciblés et la livraison d’intrants agricoles, notamment des semences et du fourrage, pour permettre aux ménages vulnérables de tenir jusqu’à la prochaine moisson d’octobre ».
Sur les marchés, les prix ont littéralement explosé. Un sac de mil de 100 kg, qui en temps normal oscille entre 10 et 12 000 Fcfa, en atteint jusqu’à 35 000 Fcfa. « La population nigérienne est composée à 90% de paysans », rappelle Boureyma Dodo. « Et ils sont rares à pouvoir payer ce prix. Même si le plus difficile, argent ou non, est encore de trouver du mil. » Les pasteurs, que l’on trouve au nord, sont descendus au sud pour trouver des pâturages. Mais sans succès. « L’herbe a été coupée, stockée, et une botte pour nourrir une bête une matinée coûte jusqu’à 2 500 Fcfa », se désole Boureyma Dodo. Ils ont alors cherché en masse à vendre leurs bêtes, maigres, ne donnant plus de lait, mais leur prix a chuté en raison de l’offre abondante. Plus d’argent pour se nourrir, ni pour nourrir ses bêtes ou sa terre.
Giancarlo Cirri a son idée sur le temps de réponse des pays donateurs : « Quand nous alertons la communauté internationale sur un risque de famine au Niger, la première réponse est « oui, comme d’habitude ». Mon opinion est que nous avons accepté l’inacceptable pendant des années. Il faut savoir que le taux de malnutrition au Niger est structurellement bas. A la limite. Toutes les années, des enfants meurent de faim. Et ça, tout le monde s’y est résigné. »
La famine s’installe au Niger
Les appels du Programme alimentaire mondial n’ont pas été entendus
L’appel aux dons lancé en mai dernier par le Programme alimentaire mondial, pour prévenir la famine au Niger, n’a pas été entendu par les pays donateurs. Plus de deux mois plus tard, l’organisation onusienne compte les premiers morts et assure que la catastrophe humanitaire est désormais inévitable. En deux mois, les besoins financiers des seules agences de l’Onu sont passés de 16 à 30 millions de dollars.
jeudi 21 juillet 2005, par Saïd Aït-Hatrit
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« Au Niger, les gens pouvaient voir avant la fin de la saison passée (octobre 2004) que le pays courait un risque alimentaire. La sécheresse a empêché les récoltes d’arriver à maturation, et quand la pluie est tombée, les criquets pèlerins en ont profité pour se reproduire et dévorer les semences », explique Boureyma Dodo, secrétaire exécutif d’Arene (Association pour la redynamisation de l’élevage au Niger). « Nous avons alerté nos partenaires, constitués de l’administration, d’Organisations non gouvernementales (ONG) comme Oxfam, Novib (Oxfam Pays-Bas), des Coopérations suisses, françaises... mais au départ, ils ont hésité. Ils ont attendu de voir, demandé des explications, à ce que nous décrivions les situations... Ils attendaient une information plus officielle. »
Le Programme alimentaire mondial (PAM) a, de son côté, commencé à sensibiliser ses partenaires dès novembre 2004, selon le responsable de l’organisation de l’ONU au Niger, Giancarlo Cirri. Le premier plan d’urgence est approuvé en février, des communiqués de presse sont lancés dans la foulée, ainsi qu’un appel aux dons de 16 millions de dollars (le 19 mai) pour couvrir les besoins de toutes les agences onusiennes. Trop tard. Car à leur tour, la plupart des pays donateurs ont attendu de voir. Aujourd’hui, « on enregistre une moyenne de trois décès par jour dans notre centre de santé », s’indigne auprès du Figaro le docteur français Vanessa Piccolo, un des six docteurs de Médecins sans frontières (MSF) installés à Maradi, à 600 km à l’Est de Niamey.
Du plan préventif au plan de survie
Le PAM est en discussion pour un total de 10 millions de dollars alors que les besoins sont désormais de 30 millions. « Et ça ne fait que commencer », selon Giancarlo Cirri. Désormais, « les besoins financiers ont explosé parce qu’il s’agit de sauver des vies », poursuit le responsable du PAM au Niger. « Le comble, c’est que nous avions élaboré une stratégie préventive suffisamment en amont, mais nous n’avons pas pu la mettre en œuvre. »
La stratégie aurait visé à constituer des banques de céréales, sortes de greniers villageois, et de fournir des céréales contre du travail aux agriculteurs migrant pendant la soudure (période sans activité agropastorale entre la fin de la saison et le début de la nouvelle, de janvier à mai) à la recherche d’emplois. « Nous le faisons depuis trente ans, mais nous aurions souhaité le faire à une plus grande échelle pour éviter la famine », explique Giancarlo Cirri. Le coût de l’opération avait été évalué en mai à quatre millions de dollars, pour aider 460 000 personnes (dans le secteur du PAM). Le prix du plan de survie est aujourd’hui de 16 millions, pour sauver la vie de 1,2 millions de Nigériens.
« Tout le monde s’y est résigné »
Au total, « quelque 2,5 millions de personnes, dont 800 000 enfants, vivant dans 3 000 villages, sont menacés. La malnutrition infantile se répand alors que le nombre d’enfants pris en charge par les centres de nutrition ne fait que s’accroître », fait savoir l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) dans un communiqué publié mardi. La FAO réclame de toute urgence « des approvisionnements alimentaires ciblés et la livraison d’intrants agricoles, notamment des semences et du fourrage, pour permettre aux ménages vulnérables de tenir jusqu’à la prochaine moisson d’octobre ».
Sur les marchés, les prix ont littéralement explosé. Un sac de mil de 100 kg, qui en temps normal oscille entre 10 et 12 000 Fcfa, en atteint jusqu’à 35 000 Fcfa. « La population nigérienne est composée à 90% de paysans », rappelle Boureyma Dodo. « Et ils sont rares à pouvoir payer ce prix. Même si le plus difficile, argent ou non, est encore de trouver du mil. » Les pasteurs, que l’on trouve au nord, sont descendus au sud pour trouver des pâturages. Mais sans succès. « L’herbe a été coupée, stockée, et une botte pour nourrir une bête une matinée coûte jusqu’à 2 500 Fcfa », se désole Boureyma Dodo. Ils ont alors cherché en masse à vendre leurs bêtes, maigres, ne donnant plus de lait, mais leur prix a chuté en raison de l’offre abondante. Plus d’argent pour se nourrir, ni pour nourrir ses bêtes ou sa terre.
Giancarlo Cirri a son idée sur le temps de réponse des pays donateurs : « Quand nous alertons la communauté internationale sur un risque de famine au Niger, la première réponse est « oui, comme d’habitude ». Mon opinion est que nous avons accepté l’inacceptable pendant des années. Il faut savoir que le taux de malnutrition au Niger est structurellement bas. A la limite. Toutes les années, des enfants meurent de faim. Et ça, tout le monde s’y est résigné. »
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